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Le mécanisme européen de stabilité au secours des banques

Les Ministres des finances de la zone euro sont tombés d’accord pour renforcer le Mécanisme européen de stabilité (MES) et lui permettre, en cas de grave crise bancaire, d’intervenir en dernier recours. L’accord a été salué comme une « étape cruciale » dans la construction de l’Union bancaire européenne par Paschal Donohoe, le Président de l’Eurogroupe. En quoi ? Si les médias soulignent également une avancée européenne importante, ils ne disent guère en quoi elle consiste. Quelques lignes d’explication s’imposent donc car cet accord est effectivement important.

Bien entendu, il faut le comprendre dans le contexte actuel de crise qui va se traduire inévitablement par des défaillances d’entreprises, lesquelles vont impacter la santé des banques. Actuellement, si certains secteurs sont déjà gravement touchés, on n’appréhende encore exactement ni l’ampleur de la casse pour les banques, ni le moment où elle pourra survenir. Mais, quoi qu’il en soit, des défaillances de banques sont envisageables et, pour y faire face, quel dispositif européen peut-il être mobilisé ?

Un Mécanisme de résolution unique, qui instaure une supervision européenne au sauvetage des banques. Il s’appuie sur un Fonds de résolution unique correspondant à 1% des dépôts collectés par les établissements de la zone euro. Autant dire rien du tout ! A peine 55 milliards € (le fonds n’a pas encore été totalement rempli à cette hauteur selon le calendrier qui lui avait été fixé), abondés par les établissements eux-mêmes (afin que la charge des défaillances ne soit pas directement supportée par les contribuables européens comme ce fut le cas suite à la crise de 2008).

Quelle utilité pourrait avoir un fonds aussi faiblement doté face à la défaillance d’établissements dont la taille des actifs, pour les plus importants d’entre eux, peut dépasser le PIB de leurs propres Etats ? Il avait donc été prévu que le MES puisse intervenir en complément, au moins le temps que le fonds soit constitué et c’est cette intervention possible qui a été entérinée et renforcée lundi, à travers un filet de sécurité que le MES pourra mobiliser en appui des interventions du Mécanisme de résolution unique.

Cet appui, toutefois, ne pourra intervenir qu’en dernier recours, si le Conseil de résolution unique n’est pas en mesure de compléter ses moyens propres d’une autre manière – entendez : en mobilisant la Banque centrale européenne, dont les interventions de type LTRO en appui des banques ont déjà prouvé leur efficacité.

A vrai dire, les moyens dont dispose la BCE sont si importants et sa volonté de les utiliser le cas échéant fait si peu de doute qu’on peut se demander si la contribution possible du MES n’est pas plus symbolique que véritablement utile. Et c’est ici qu’une explication de texte est nécessaire.

Souvent présenté comme une sorte de FMI européen et constitué à l’issue de la crise grecque, le MES a été mis sur pieds pour faire face à la défaillance possible des Etats européens et non uniquement des banques. Dans le contexte actuel, qui a vu dangereusement bondir l’endettement de plusieurs pays, dont la France, la mobilisation du MES reconnait ainsi – sans le dire explicitement  – que la dégradation de la cote de confiance des Etats représente l’un des principaux (sinon le principal) risques qui pèsent sur des établissements financiers porteurs (notamment du fait de la réglementation bancaire) de très conséquents portefeuilles de dettes souveraines. On en parle pourtant assez rarement…

L’autre novation entérinée par l’accord tient au fait qu’une intervention en dernier recours pour sauver des établissements consisterait le plus probablement en une recapitalisation. Or celle-ci, donnant potentiellement aux créanciers de dernier recours le contrôle des établissements eux-mêmes, aura désormais lieu sous une supervision européenne et non plus selon de seules initiatives nationales, comme cela fut le cas en 2008. Une supervision exercée par le MES, au sein duquel trois pays – l’Allemagne, la France et l’Italie – disposent d’un droit de véto.

Une crise grave comme celle de 2008, si elle survenait dans les années qui viennent, pourrait ainsi ouvrir la possibilité de recomposer de manière significative et stratégique le paysage bancaire européen. Cela méritait d’être souligné.

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